Cet article de blog publié par Transparency International et Land Portal fournit un aperçu de la discussion que nous organisons conjointement lors de la Conférence de la Banque mondiale sur le foncier le mois prochain. L'accent sera mis sur le passage de la sensibilisation à l'action grâce à des stratégies visant à garantir la sécurité foncière et l'accès à la terre, tout en généralisant les initiatives, les investissements et les réformes politiques en faveur de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique, y compris les outils permettant de promouvoir la transparence et de lutter contre la corruption.
La grande corruption dans la gouvernance foncière ne se limite pas au vol de biens, elle vole aussi l'avenir.
Lorsque des terres publiques sont discrètement cédées à des intérêts privés, des communautés entières sont déplacées, des forêts sont détruites et la richesse se concentre entre les mains d'une poignée de personnes. Au cœur de cette crise se trouve une constante : la corruption.
Alors, comment riposter ? La transparence n'est pas seulement un mot à la mode, c'est un outil puissant et pratique. La transparence est un principe fondamental et une condition nécessaire aux pratiques responsables et à la réforme. L'Indice de perception de la corruption 2024 l'a clairement démontré en mettant en évidence la manière dont la corruption freine l'action climatique. Dans ce contexte, des collaborations accrues, telles que celles avec la Fondation Land Portal, et des outils tels que l'indice SOLI (State of Land Information), offrent une voie claire à suivre.
Voilà un guide pratique étape par étape pour garantir la transparence dans la gouvernance foncière et en faire un atout dans la lutte contre la grande corruption.
Etape 1 : Comprendre le problème - La corruption prospère à la faveur de l'obscurité
La grande corruption dans la gouvernance foncière prospère grâce au secret et à l'insuffisance des contrôles. Dans des pays comme le Cambodge, le Brésil et le Ghana, des acteurs puissants ont exploité des lacunes juridiques et institutionnelles pour transférer discrètement des terres à des intérêts privés. Ces abus de pouvoir à haut niveau impliquent souvent des stratagèmes organisés, des transactions intraçables et un accès restreint à l'information, ce qui rend difficile l'intervention des organismes de surveillance, des journalistes et des communautés. Malgré son impact considérable sur les ressources publiques et les droits humains, la grande corruption reste souvent impunie. Pour la combattre, il faut de la transparence, des cadres réglementaires solides, une surveillance indépendante et une société civile active.
Mais les dommages ne se limitent pas aux personnes et aux institutions, ils s'étendent à l'environnement. Ces pratiques corrompues ne se contentent pas de déplacer des communautés, elles détruisent également des écosystèmes. Au Brésil, par exemple, les registres fonciers ont été manipulés et des décisions de justice achetées pour légitimer l'accaparement des terres en Amazonie, alimentant la déforestation illégale et renforçant la méfiance du public. Dans tous les contextes, la déforestation devient à la fois une conséquence et une façade pour la corruption, les systèmes fonciers opaques permettant aux élites de s'enrichir au détriment des forêts et des communautés affectées.
Etape 2 : Utiliser des outils tels que l'indice SOLI pour diagnostiquer les lacunes en matière de transparence
L'indice State of Land Information (SOLI), développé par la Fondation Land Portal, évalue l'accessibilité et l'exhaustivité des données foncières dans les pays d'Afrique et d'Amérique latine. Il examine deux éléments clés :
- Exhaustivité : le gouvernement collecte-t-il les données foncières essentielles (propriété, tenure, utilisation, valeur) ?
- Ouverture : ces données sont-elles réellement disponibles en ligne, gratuitement et faciles à utiliser ?
Les dernières conclusions SOLI sont alarmantes : dans la plupart des pays, les données foncières essentielles sont manquantes ou non publiées, ce qui crée un terrain propice à la corruption. Si l'on compare ces résultats avec l'indice de perception de la corruption de Transparency International, près de 70 % des 42 pays étudiés se trouvent dans une zone à haut risque, caractérisée à la fois par une corruption perçue comme élevée et une faible transparence des données foncières. Cet écart n'est pas seulement technique : il s'agit d'un échec fondamental de la gouvernance qui favorise la corruption à grande échelle et empêche de demander des comptes aux détenteurs du pouvoir.
Conseil d'action : utilisez les données SOLI pour pousser les gouvernements vers une transparence totale. Commencez par poser les questions suivantes :
« Où se trouvent nos registres fonciers ? Pourquoi ne sont-ils pas publics ? »
Etape 3 : Exigez une transparence totale, et non partielle

Un campement informel dense borde un cours d'eau propre et un terrain vague, illustrant l'étalement urbain et les inégalités. Illustration : Yamrote Alemu
La publication de quelques données foncières ne suffit pas. Les acteurs corrompus prospèrent grâce à la transparence partielle, où des réformes superficielles donnent une apparence d'ouverture tandis que les données les plus importantes restent cachées. Pour lutter véritablement contre ce phénomène, nous avons besoin de l'interopérabilité des bases de données, afin que ces systèmes puissent « communiquer entre eux » et nous permettre de mettre au jour et de prévenir les pratiques et les stratagèmes corrompus.
Pour lutter efficacement contre la corruption, nous avons besoin d'une divulgation ouverte des informations suivantes :
- Données sur la propriété (y compris la propriété bénéficiaire)
- Transactions foncières et concessions
- Le zonage, les estimations et les registres des litiges
- Les droits fonciers coutumiers, y compris les droits des peuples autochtones et des communautés locales, des communautés pastorales et des femmes
- Les données sur le lobbying des entreprises et le financement des partis politiques
- Les déclarations de patrimoine (y compris les informations sur la propriété foncière)
Objectif de plaidoyer : Appeler à la mise en place de données foncières complètes, lisibles par ordinateur, interopérables et simplifiées, et non pas seulement de rapports volumineux et hautement techniques publiés sur des sites web gouvernementaux obscurs.
Étape 4 : Collaborer avec des plateformes qui favorisent le changement
La Fondation Land Portal s'est fait le fer de lance de la promotion d'écosystèmes de données foncières ouverts et inclusifs. Grâce à des outils tels que l'indice SOLI et à des partenariats avec des acteurs de la société civile et des pouvoirs publics, elle met en place l'infrastructure de transparence dont nous avons besoin.
Elle fournit également :
- des ensembles de données en libre accès
- des recherches et des profils par pays
- des outils de suivi et de plaidoyer
Impliquez-vous : collaborez avec le Land Portal pour évaluer le niveau de transparence de votre pays, créer des tableaux de bord publics ou rejoindre des coalitions qui réclament une meilleure gouvernance foncière.
Etape 5: Mettre les données foncières au service des populations

Une rue animée avec un marché en centre ville contraste avec les gratte-ciel modernes, illustrant le fossé entre les différents niveaux de développement urbain. Illustration : Yamrote Alemu
Même lorsque des données foncières existent, elles sont souvent inaccessibles à ceux qui en ont le plus besoin : les communautés rurales, les peuples autochtones, les femmes, les personnes handicapées, les lanceurs d'alerte et les défenseurs des droits fonciers. Des obstacles tels que l'accès limité à Internet, l'analphabétisme et le manque de formats accessibles excluent encore davantage ces groupes. La transparence doit être inclusive.
Bonnes pratiques :
- Traduire les données dans les langues locales
- Utiliser des outils hors ligne et la radio pour atteindre les zones non connectées
- Travailler avec des parajuristes communautaires et les médias locaux pour interpréter les documents
- Créer des plateformes mobiles pour l'information foncière
N'oubliez pas : la transparence n'a de pouvoir que si les gens peuvent réellement l'utiliser.
Étape 6 : Relier les points entre-eux - La transparence est une stratégie de lutte contre la corruption
Le document de travail de TI l'affirme clairement : la transparence est un point d'entrée stratégique pour lutter contre la grande corruption dans le secteur foncier.
Mais la transparence seule ne suffit pas. Elle doit être accompagnée :
- Des lois solides
- Des institutions de contrôle indépendantes
- Une presse libre
- Une société civile active
Pour lutter contre la corruption foncière, les gouvernements doivent combler les vides juridiques, harmoniser les lois et veiller à ce que les agences foncières aient des rôles clairs et disposent de ressources suffisantes. Tout aussi important, ils doivent inclure les peuples autochtones, les femmes et les autres groupes marginalisés dans la prise de décision, et soutenir le tout par une application effective de la loi, des sanctions sévères et une coopération internationale.
Conclusion

Une ligne d'horizon moderne se dessine sous le soleil couchant, symbolisant l'urbanisation rapide et le visage changeant de la ville. Illustration : Yamrote Alemu
Lutter contre la corruption à grande échelle dans la gouvernance foncière ne consiste pas à attendre la réforme parfaite, mais à utiliser les outils dont nous disposons aujourd'hui. La transparence est une arme puissante, et avec des alliés tels que la Land Portal Foundation et des outils tels que l'indice SOLI, nous sommes mieux équipés que jamais.
Rejoignez le mouvement. Exigez l'ouverture des données foncières. Militez pour une transparence et une responsabilité réelles et protégez les terres et les vies qu'elles abritent.
Suivez les discussions qui auront lieu dans le cadre de la Conférence de la Banque mondiale sur le foncier 2025, qui se tiendra du 5 au 8 mai. L'accent sera mis sur le passage de la sensibilisation à l'action, avec des stratégies visant à garantir la sécurité foncière et l'accès à la terre, tout en généralisant les initiatives, les investissements et les réformes politiques en faveur de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique, y compris les outils de surveillance de la transparence et de la corruption.
Illustrations de Yamrote Alemu, article co-rédigé par Transparency International et les équipes du Land Portal.*