Quel devenir pour les villes Nigeriennes ? | Land Portal

Date: 10 Février 2020

Source: Tamtam Info

Par: Alkassoum  Ibro (Contribution Web)

A l’heure où l’urbanisation est considérée comme un des phénomènes   marquants du siècle, particulièrement en Afrique où l’accélération du processus laisse envisager que le seuil de parité entre la population rurale et la population urbaine sera atteint à la fin de la décennie à venir, avec tout le cortège de conséquences sur le plan social, économique, culturel, spatial et environnemental, il est donc plus que nécessaire de s’interroger sur le devenir des villes nigériennes, qui n’échappent pas à cette dynamique.

Rappelons à cet effet qu’un colloque international sur les « 50 ans d’urbanisation en Afrique noire : réalités et perspectives » s’était tenu à Niamey en 2011 du 20 au 22 octobre.

Ledit colloque s’était déroulé autour de six (6) axes :

           –   les politiques publiques face à l’urbanisation ;

–   les  expériences de gestion des espaces et activités urbaines ;

–  la fabrique du cadre de vie ;

–  le défi de la ville durable ;

–  la gouvernance urbaine ;

–  les politiques urbaines, développement et intégration régionale : quelles perspectives.

Toutes ces thématiques témoignent de la problématique du développent urbain en Afrique en général, et au Niger en particulier, et posent la question “que faire? “

En effet bien que le Niger demeure encore un pays à dominante rurale, et qu’il n’atteindra le seuil de parité qu’aux environs de 2050, force est de constater que le processus  d’urbanisation est en voie d’accélération  comme en témoignent les données ci après  issues des recensements généraux de la population :

  • 1960 : la population urbaine totale représentait 5% de la population du pays ;
  • 1977 : le taux  est passé  à 12 %
  • 1988 : il  atteignait 15 %
  • 2010 : il  était à 20 %

En 2019, il peut être estimé à 27 %.

Ainsi de 1960 à 1977, le taux d’urbanisation a été multiplié par 2,4 c’est -à-dire que la population urbaine a plus que doublé en moins de 20 ans.

De 2001 à 2010, la population urbaine totale est passée de 1.224.000 à 3.104.574, c’est-à-dire qu’elle a été multipliée par 2,5 en l’espace de 10 ans.

Au sein de cette évolution, la ville de Niamey occupe la tête de pont, en regroupant 39% de toute la population urbaine en 2010, c’est-à-dire autant que les trois (3) autres grandes villes que sont Zinder, Maradi et Tahoua à la même période.

Une telle situation est synonyme de déséquilibre dans l’armature urbaine, dont la structure se compose de quatre  niveaux :             

 a : une ville tête de pont que constitue la capitale nationale Niamey qui concentre en son sein une  partie prépondérante de la population urbaine, ainsi que les 3 /4 des activités administratives et économiques du pays ;

b : des villes – relais constituées par les capitales régionales, dont le niveau de rayonnement est basé sur la fonction administrative et la présence d’équipements de fonction régionale et /ou nationale ;

c : des villes  secondaires constituées par l’ensemble des communes urbaines, dont la fonction administrative constitue le principal niveau de rayonnement.

Leur logique de développement est basée sur la promotion des échanges avec leurs arrières – pays respectifs, et/ou avec certains pays voisins pour celles qui sont frontalières.

De ce fait, leurs tailles et leurs densités respectives diffèrent en fonction de leurs positions géographiques et des potentialités des territoires de leur localisation.

d : des pôles ruraux constitués par toutes les communes rurales dont le rayonnement est assuré par la fonction communale et / ou la présence d’un gros marché hebdomadaire .

Telles sont donc les principales caractéristiques des villes nigériennes,  qui tout en  contribuant  à la création des richesses nationales, abritent de plus en plus des populations pauvres.

Au regard de tout ce qui précède, la question fondamentale est donc de savoir quelles mutations pourront-elles subir dans un contexte d’urbanisation accélérée, de changements  climatiques, de faiblesse des investissements publics urbains, et d’insuffisance des ressources financières des communes.

Il s’agit ainsi d’envisager un futur possible pour ces villes afin qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle de promotion du développement économique local, en synergie avec les orientations du développement économique national, dans la perspective d’un développement durable.

Autrement dit, quelles sont les conditions à mettre en place pour que les villes nigériennes qui sont confrontées à une série de défis d’ordre économique, social, culturel, spatial et environnemental, puissent devenir          “ durables “.

Mais de quelle durabilité peut-il s’agir :

  • Par  rapport  au temps ?
  •  Par  rapport à l’espace ?
  • Par  rapport aux catastrophes ?
  • Par  rapport à l’environnement ?
  • Par  rapport à l’économie ?

La réponse à ces questions nécessite d’abord de se référer à la définition de “développement durable“ à savoir :

« Satisfaire les besoins des populations d’aujourd’hui sans compromettre la satisfaction des besoins des populations futures».

Le développement durable intègre donc l’ensemble des problématiques sociales, économiques, culturelles, spatiales et environnementales, à court, moyen et long termes, dans une perspective d’harmonie et de pérennité.  

Les villes étant définies comme des unités spatiales d’un certain niveau de concentration des hommes et des activités, et créatrices de richesses, elles constituent donc un vecteur de développement.

De ce fait, elles sont confrontées aux mêmes problématiques évoquées ci-dessus, en rapport avec les conditions et le cadre de vie.

Ces problématiques constituent des besoins immédiats à satisfaire (populations d’aujourd’hui), mais également des besoins à programmer (populations futures), en termes d’amélioration de l’habitat existant, de terrains à bâtir, de construction de logements, d’extension des réseaux divers, d’organisation des transports, de consommation d’énergie, de gestions des déchets solides et des eaux usées. 

Au vu de ces éléments, le caractère durable de la ville est donc lié :

  • au temps : présent et futur ;
  • à l’espace : occupation, utilisation et extension (habitat et activités) ;
  • aux catastrophes : choix des sites – dispositifs de protection ;
  • à l’environnement : gestion des déchets solides et des eaux usées – complexe végétal – types d’habitat – types de transport – gestion du foncier ;
  • à l’économie : création d’activités – consommation d’énergie.

Ainsi, pour que les villes nigériennes puissent devenir durables, il faudrait qu’elles répondent aux préoccupations suivantes :

  • quels types d’améliorations faut-il apporter à l’habitat existant, afin de lui imprimer une empreinte écologique ?
  • sur quels sites faudra-t-il loger tous les flux de populations issus de l’urbanisation, sans compromettre l’équilibre avec les terres agricoles ?
  • comment modifier les comportements des citadins en matière de gestion du cadre de vie, sans  ébranler certaines valeurs socioculturelles ?
  • quels  types d’opérations d’aménagement urbain faut-il privilégier pour une meilleure intégration au site ?
  • quel type de gestion du foncier faut-il promouvoir, en vue de préserver le patrimoine ?
  • quels types de logements faut-il construire en vue d’une meilleure adaptation climatique ?
  • quels types de matériaux faut- il privilégier ? 
  • quels systèmes de transport faut-il promouvoir  en vue de réduire les émanations de gaz carbonique  , tout en répondant à la demande du plus grand nombre ?
  • quels types d’énergie faut-il privilégier pour une plus grande accessibilité et une meilleure performance écologique ?
  • quel système de  réseaux d’assainissement faut-il  envisager ?
  • quel mode de participation de la population à la gestion urbaine, faut-il mettre en place ?

Toutes ces questions renvoient donc à la recherche de solutions innovantes pour une meilleure qualité du cadre de vie.

 Les réponses y afférentes nécessitent un cadre à la fois  technique, juridique et financier

Le cadre technique doit reposer sur un dispositif efficient de collecte de données, de planification, de programmation, de gestion et de contrôle de l’espace  sur la base d’une vision prospective et stratégique.

Il doit mettre en synergie tous les acteurs de la gouvernance urbaine à travers l’élaboration des documents de planification urbaine, la programmation des investissements prioritaires, la réalisation d’opérations pilotes d’aménagement urbain, la réalisation d’études architecturales et autres études en matière d’habitat durable , d’assainissement et de transport .

A cet effet les cabinets  d’architecture et d’urbanisme ainsi que les bureaux  d’ingénieurs et les universités seront  pleinement et respectivement associés dans la recherche des meilleures formes et pratiques d’organisation et gestion de l’espace, dans le développement de projets d’architecture bioclimatique, dans les études de circulation , de transport ,de matériaux de construction, dans la collecte et le traitement des données , dans l’édition des cartes thématiques,   dans l’organisation des séminaires et conférences sur les problématiques spatiales et environnementales .

Le cadre juridique doit reposer sure une série de textes législatifs et règlementaires  régissant l’ensemble des procédures relatives à l’élaboration des documents d’urbanisme, aux opérations d’aménagement urbain et aux conditions d’occupation et d’utilisation du sol.

Il doit faire l’objet d’une grande diffusion appuyée par des séminaires au niveau de toutes les communes.

Le cadre financier doit reposer sur un dispositif approprié  de mobilisation des ressources, d’amélioration de la gestion municipale, à travers une meilleure organisation des services municipaux, une meilleure connaissance du potentiel fiscal, un système adapté de collecte et de recouvrement, une rationalisation des dépenses ,  et la recherche de partenariats.

Pour ce faire, des audits organisationnels et financiers doivent être effectués au niveau de toutes les communes urbaines. Ces audits permettront d’une part de mettre en relief les problèmes d’organisation et de fonctionnement, les opportunités en terme de potentiel  fiscal, les difficultés de programmation et de gestion, et d’autre part d’envisager des mesures de redressement et d’amélioration .

En conclusion , la durabilité des villes nigériennes est conditionnée par l’interférence d’une multitude de facteurs qui demandent  des réponses diversifiées et impliquent à des degrés divers tous les acteurs.

Cependant l’Etat  demeure au centre de gravité. Il doit à ce titre réadapter et parachever tous les textes législatifs et règlementaires ,accompagner les communes par des appuis  techniques et financiers , renforcer les contrôles , établir une grille de services techniques dont doit disposer chaque commune en fonction de sa taille , éditer les cartes topographiques , instaurer un système de contrat de ville ,et publier chaque année la liste des communes ayant développé de meilleures pratiques en matière de gestion urbaine .  Il doit également procéder à la mise en place d’un centre d’études et de promotion des matériaux de construction ,  à la réalisation des acquisitions foncières pour les opérations d’habitat et à un contrôle très rigoureux de l’occupation du domaine public.

 Mais au-delà de tous ces facteurs , la durabilité de nos villes sera tributaire  pendant longtemps  encore , de la disponibilité et de l’accéssibilité en énergie , en eau et surtout des comportements de chacun de nous ,   gouvernants et gouvernés.

 

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